C'est un cocktail détonnant que ce mouvement d'Europe écologie, tout jeune pour ne pas dire tout vert, qui a remporté la timbale aux élections européennes. Dans le shaker, des ingrédients qui se secouent énergiquement et aussi divers que Daniel Cohn-Bendit, la figure emblématique de Mai 68, l'ex-juge Eva Joly, Jean-Paul Besset, ami de Nicolas Hulot, l'altermondialiste José Bové et l'égérie montante des Verts, Cécile Duflot. À travers leur livre (1), Roger Langlet, philosophe et journaliste d'investigation, et Jean-Luc Touly, membre d'Europe écologie, nous font pénétrer dans les coulisses de cette nébuleuse écolo. Le choix d'un juge pour conduire la liste en région PACA a-t-il une signification particulière ? Jean-Luc Touly. Pour de nombreux électeurs qui s'inquiètent des progressions de l'affairisme mafieux et de la dépénalisation des affaires, oui ! Choisir un juge comme Laurence Vichnievsky, qui a instruit le dossier Elf avec Eva Joly, cela prend bien sûr du relief sur la Côte d'Azur. Quelles sont les chances de Laurence Vichnievsky ? Roger Lenglet. Grandes, d'après nos propres indications. Après Eva Joly et Vichnievsky, Halphen est en route. Plus que l'environnement, la lutte contre la corruption ne devient-elle pas un label pour Europe écologie ? RL. Oui, et c'est même une priorité de son programme. La candidature de Nathalie Bellity parmi les têtes de listes des Alpes-Maritimes en est aussi une illustration. Elle est membre de l'association Anticor, créée par le juge Halphen pour lutter contre la corruption. André Aschieri, également tête de liste, combat très activement aussi les collusions entre les élus les plus cyniques et les pires pollueurs. En fait, beaucoup de magistrats et de personnalités connues pour cette lutte ont rejoint les listes d'Europe écologie et les comités de soutien partout en France. Ils ont une conscience aiguë des entreprises en faillite à cause des mastodontes qui faussent la libre concurrence et qui s'arrogent les marchés publics à coups de commissions, d'intimidations et de pantouflage. Que peut espérer le mouvement en termes d'audience électorale et de présidences de régions ? JLT. Personne n'avait prévu l'énorme succès d'Europe écologie aux Européennes, hormis le frère de Daniel Cohn-Bendit, Gaby. Certains sondages montrent que le PS peut passer derrière Europe écologie en l'Ile-de-France, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées. Si c'est le cas, Europe écologie pourrait-elle snober les primaires à gauche ? JLT. Certains le pensent, même en cas de résultat moyen. Nicolas Hulot peut-il être candidat à la Présidentielle de 2012 ? JLT. Nos investigations montrent qu'il peut être un candidat redoutable et qu'il y réfléchit vraiment. Il sait s'entourer de conseillers compétents et les leaders d'Europe écologie sont prêts à le soutenir. Même certains dirigeants des Verts réfléchissent déjà à cette éventualité et lui apporteront toute leur aide s'il prend des engagements sérieux sur le plan écologique et social. Jusqu'où peuvent aller les multinationales pour barrer la route à Europe écologie et à son escadron d'anciens magistrats ? RL. D'un côté, elles vont tenter de séduire les leaders et de s'aliéner ceux qui risquent d'être élus, car leurs futurs marchés publics en dépendent. Elles ont aussi compris que l'orientation écologique de l'économie peut leur permettre de gagner beaucoup d'argent par des investissements soutenus par les subventions européennes et une fiscalité favorable, comme c'est déjà le cas avec l'éolien. D'un autre côté, elles vont tout faire pour neutraliser les élus d'Europe écologie les plus incorruptibles, ceux qui veulent limiter le lobbying et les malversations par des sanctions vraiment dissuasives. Par exemple, interdire aux entreprises condamnées pour corruption de se représenter devant les collectivités soudoyées. Le projet fait très peur aux grandes prédatrices… jmraffaelli@nicematin.fr (1) Europe écologie : miracle ou mirage ? Document. éditions First Société. 208 pages. 14, 90 euros. |